Journal de Bord Éternel, Le Garçon aux Pieds Nus

iwak #26 – cacher.

Je crois que la chose que j’ai le plus cachée. C’est Moi.

Le Monde est si dur. Brut. Fait d’angles et d’épines. J’ai toujours tout fait pour me protéger.

J’ai d’abord caché que j’aimais les garçons. Parce que je l’ai su très tôt. J’avais peur des représailles. Mais la vérité. C’est que j’étais trop différent pour masquer quelque chose qui saute aux yeux.

Je devrais d’ailleurs écrire « différente ». Puisque j’ai longtemps tenu secret le fait d’avoir eu du mal à grandir dans un corps de garçon.

J’en parle beaucoup plus facilement aujourd’hui parce que ma bataille est enfin terminée. Mais elle a été dure et elle s’est faite seule. Ou seul. Je ne sais même pas ce qu’il convient d’écrire ici.

J’ai donc très tôt caché mon corps. J’étais en avance. Mon corps se transformait. Mais je ne devenais pas une fille. Et c’était effrayant.

Je crois que mon amour des Magical Girls vient de là. Voir ces petites filles devenir des femmes en utilisant une formule magique. C’était ce que je voulais. Mais j’étais un petit garçon.

Et je suis devenu un jeune homme. Puis un homme. À me voir aujourd’hui, on ne pourrait pas se douter de tout cela. Puisque je suis maintenant plutôt en paix avec mon corps.

C’est amusant d’écrire cela ici. Alors que ce blog est également l’une des choses que je cache. Je ne pourrais plus vraiment y écrire et m’y confier s’il venait à être lu par des proches.

Ce blog est mon journal intime. Et je le dissimule sur internet comme l’on planquerait son journal sous son matelas.

Au fond. C’est aussi surtout mes propres sentiments que je camoufle. Et c’est finalement ici que j’arrive à les enfouir.

Le Garçon aux Pieds Nus

iwak #25 – copain, copine.

J’ai grandi avec un sens très particulier de l’Amitié. Je le voyais comme ce lien indéfectible qui unit les Chevaliers du Zodiaque ou les Guerrières de la Lune.

Je n’ai jamais eu de mal à m’entourer. Je pouvais aller me balader et me faire des amis en claquant des doigts. C’était tellement simple.

J’ai longtemps préféré la compagnie des filles à celle des garçons. J’avais toujours plein de copines.

Il y a eu mes copines de Primaire. Celles du Collège. Puis celles du Lycée. Toujours de jolies filles, fortes et en avance sur leur âge. Je les regardais se développer et grandir, et je rêvais de devenir comme elles.

Mais, je grandissais dans l’autre direction.

Être un jeune ado gay dans les années 90. C’est garder secret qui vous êtes réellement. Vous préserver et vous protéger par peur. Peur de quoi ? Bonne question. Secret ou non, vous êtes, de toutes façons, quotidiennement l’objet de méchancetés et de petits noms bien attentionnés.

« Lavette » au primaire.
« Pédale » au Collège.
« Pédé » au Lycée.

Les amitiés alors ne sont jamais les plus profondes. Et vous évoluez de groupes en groupes. Pour ne jamais être démasqué. Comme si vous étiez un vampire ne vieillissant pas et changeant de ville pour n’éveiller aucun soupçon.

Comme si vous souhaitiez échapper à LA question.

La question. Finalement. C’est Liliana. Au Lycée. La première à me l’avoir posée de but en blanc. De façon si naturelle mais à la fois tellement violente pour moi.

Je n’étais pas prêt. Alors j’ai dit non. Et j’ai changé de groupe.

J’ai fini par rencontrer Les Filles à la fac. Celles qui sont devenues mes meilleures amies. Cette fois-ci, j’étais prêt. Alors j’étais vrai. J’étais moi. C’était en 2001.

Et nous sommes toujours ensemble.

Journal de Bord Éternel

iwak #24 – creuser.

Inktober with a Keyboard s’achève bientôt. Et je dois l’avouer. J’ai bien aimé m’astreindre à cette discipline. Poster tous les jours.

Evidemment. On prend du retard. On sèche sur un mot. Et l’on finit par essayer de tout rattraper. Mais il faut parfois creuser pour trouver quelque chose à écrire.

Ce qui m’a plu, c’est renouer avec une régularité. Comme à la belle époque. Et IWAK a un avantage intéressant. Il permet d’aborder plusieurs thèmes différents. Au gré des mots.

Je pense à un thème spécifique pour poursuivre sur cette lancée sur Novembre. Un thème qui me permette d’être plus raccord avec ce que j’écris habituellement.

Enfin, si mon vieux Macbook me le permet.

Pretanama

iwak #23 – déchirure, déchiré.

Après chaque attentat terroriste. J’ai cette boule au ventre. J’ai mal.

Tout à coup, tous les regards se braquent sur vous. Vous devenez Complice. On vous impose de réagir. De vous indigner. Et on vous ordonne de vous désolidariser de la Barbarie.

Parce que vous êtes Croyant. Et parce que cet attentat a été commis au nom de votre Religion.

Seulement ils oublient. Avant même d’être croyant. Vous êtes une personne. Et comme tout le monde vous découvrez l’Horreur. Vous êtes choqué. Mais on vous demande de vite réagir, de vite prendre position sans quoi vous serez une mauvaise personne.

Les réseaux sociaux s’embrasent. Personne ne vous laisse le temps d’appréhender ce qu’il s’est passé.

Quelqu’un s’est fait décapité.

On demande à ce que les Musulmans se désolidarisent de cet acte. Votre coeur s’arrête devant l’écran. Il y a dans le fait de demander à se désolidariser quelque chose qui signifie que l’on vous pense complice, que naturellement et sans l’exprimer vous auriez cautionné l’Horreur.

Parce que vous avez UNE similitude avec le terroriste. Tous deux vous dites musulmans. Comme si vous aviez adhéré aux mêmes principes, aviez reçu la même éducation, étiez la même personne. Comme si une Religion n’était pas libre d’interprétations, comme si elle entrait en vous et vous vidait complètement du reste de votre personnalité.

Vous êtes l’amalgame de plusieurs sensibilités, d’expériences, de croyances. Mais aujourd’hui, quelqu’un ne vous voit plus que d’une seule couleur. Vous n’êtes rien d’autre qu’un musulman.

Vous êtes un Croyant. Musulman. Et si vous n’avez pas fini de digérer l’information, on s’en fout. Vous étiez choqué par l’Horreur et maintenant vous êtes accusé d’être du côté des coupables.

Lorsque vous envisagez de réagir, vous devez faire extrêmement attention.

Si vous le faites, on vous lapidera. Parce que vous n’êtes pas légitime. Parce que vous être un croyant comme le terroriste. Ou parce que vous votez à Gauche et que votre « Islamo-Gauchisme » a été jugé comme responsable de ce qui arrive. Ou parce qu’en affirmant votre indignation, vous insistez sur le fait de ne pas mélanger « Croyants » et « Terroristes ». Vous entendrez que l’heure n’est pas aux « Mais », « on ne peut plus séparer, être pacifique ».

Si vous ne réagissez pas, on vous lapidera. Parce que vous n’avez pas réagi. Ce qui ne peut signifier qu’une chose.

Vous cautionnez.

La vérité. Je ne suis pas le seul à la vivre. C’est que lorsque cela se produit. Vous vous cachez. Parce que ce n’est malheureusement pas le premier attentat. Parce que vous savez comment cela va vous revenir en pleine face. Parce que vous savez que vous allez lire, entendre, voir, mille choses qui vont vous briser le coeur, vous faire mal.

Vous vous dites que vous devrez l’accepter. Parce que tout le monde dit que c’est de votre faute. Parce que quelqu’un est mort. Vous savez que c’est mal. Vous hurlez que c’est mal. Alors vous composez avec ce qui se dit, s’écrit. Vous bouffez tout en espérant que cela se finisse rapidement.

Vous lisez que les croyants sont des débiles. Qu’ils sont restés au Moyen-Âge. Qu’ils font chier avec les religions…

Mais pour vous c’est encore pire. Vous êtes un traitre à votre cause. Parce que vous êtes LGBT. Alors on vous fait encore plus mal.

On vous dit alors que vous n’avez qu’à aller « là-bas », là où vous serez balancé d’un toit pour ce que vous êtes.

Vous êtes déchiré. Parce que si les Croyants ne vous acceptent pas pour ce que vous êtes. Ces LGBT qui vous font la morale, non plus.

Vous avez beau être une synthèse parfaite de Spiritualité et de Sensibilité. Avoir su embrasser les deux. Le vivre en toute quiétude. Vous devrez toujours combattre de chaque côté chaque fois qu’une personne s’attaquera de manière extrême à ce qui vous compose.

Parce que certains ne vous veulent que sur un front. Le leur. Vous êtes violet. Mais les Bleus ne vous veulent que Bleu et les Rouges, que Rouge.

En attendant, depuis que c’est arrivé. Votre Timeline Twitter est devenue votre pire ennemie. Vous trouvez des renforts mais tout fait tellement mal que vous n’osez plus l’ouvrir. Votre timeline comme votre bouche.

Alors vous vous tenez éloigné en attendant que ça passe. La boule au ventre.

Pour l’Horreur.
Pour le climat actuel.
Pour vous.

Kévin Bacon, Les Garçons, Psithurisme Nostalgique

iwak #22 – chef cuisinier.

On dit que l’on a souvent un genre de mec. Et en y regardant de plus près. Je crois que c’est juste. Tous les garçons avec lesquels je suis sorti ont un énorme point commun*.

Ils savaient cuisiner. Et ils cuisinaient tous très bien.

Pour moi, ça a toujours été parfait. J’adore manger. Par contre, je ne prends pas de plaisir à préparer à manger. Non pas que j’apprécie ce qui est déjà préparé, mais lorsqu’il s’agit de me faire à manger, je vais vite et ne fais jamais rien de compliqué.

Ce doit être simple et efficace. Je me dis souvent qu’un Chef Cuisinier se grifferait le visage en me voyant « cuisiner ».

Mais pas eux. Je les revois. Chacun. Dans leur cuisine. Me préparant quelque chose. C’était toujours délicieux et ça avait toujours l’air très élaboré. Même si à chaque fois, chacun m’a dit. C’est super simple.

Parmi les ex, Jolies Lèvres était le meilleur cuisinier. J’avais l’impression qu’il pouvait préparer n’importe quoi. Il avait la recette et hop, j’avais le droit à de jolies surprises. Comme ce mi-cuit au chocolat blanc et cette Linzer Torte. Mais mon souvenir préféré. Les Crêpes à mille trous.

Celles qu’il avait préparées en découvrant que c’était l’un de mes mets algériens préférés.

Kévin Bacon, lui, est un poète en cuisine. Un artiste. Il a une idée en tête et s’exécute sans recette. Je le trouve extrêmement créatif. Et je suis gâté. Depuis un peu plus de onze ans.

Tous les weekends. J’ai le droit au petit déjeuner au lit. Apporté sur un plateau. Sans compter les déjeuners et diners.

C’est amusant comme les garçons comme moi, trouvent toujours des garçons comme Lui.

Et forcément. Je me demande aussi souvent ce que, moi, j’apporte. Qu’est-ce que les garçons comme Lui cherchent chez des garçons comme moi ?

*Oui ça aussi.

Psithurisme Nostalgique

iwak #21 – sommeil.

Je n’ai jamais réellement eu de difficulté à trouver le sommeil. C’est même plutôt simple pour moi.

Evidemment, cela ne concerne pas les veilles.

La veille de la Rentrée scolaire, je me souviens que j’avais chaque année du mal à m’endormir. J’étais tellement excité à l’idée de retourner à l’école que je ne pouvais pas fermer l’oeil de la nuit.

J’adorais l’école. J’étais pressé de rencontrer mes nouveaux camarades mais surtout de sortir mes fournitures scolaires toutes neuves. Oui, j’ai une obsession pour le matériel scolaire. Je suis ce genre de personne.

Les veilles de départ en vacances également. Impossible de dormir. Là, c’est dû au stress du voyage. Finaliser la valise, ne rien oublier, arriver à l’heure à la gare ou à l’aéroport le lendemain, le trajet en lui-même. C’est une source incroyable d’angoisse pour moi.

En général, la nuit précédant mon voyage, je fais le ménage complet de mon appartement. Cela réussit à me fatiguer et me permet de dormir quelques heures.

Les veilles d’examens, j’avais aussi du mal à dormir. Non pas par excitation ou stress. Juste parce que je n’avais généralement pas révisé. Il fallait que mon cerveau retienne un semestre de cours en quelques heures alors j’étais shooté au soda.

Malgré cela, je finissais par fatiguer et m’endormir. Comptant alors sur mon trajet en bus jusqu’à la fac pour finir de réviser découvrir la matière.

J’ai, avec le temps, développé des techniques pour réussir à trouver le sommeil quand c’est compliqué. L’un de mes trucs, c’est d’imaginer comment je re-décorerai un endroit particulier. L’appart d’un ami par exemple. Pièce par pièce, mur par mur.

C’est le meilleur somnifère possible.