Psithurisme Nostalgique

M12 – Le nouveau luxe c’est d’être hors-ligne.

Il est loin le temps où je pouvais être présent sur les réseaux sociaux en permanence.

C’était un luxe les réseaux sociaux. Celui de s’exprimer. Celui de garder le contact avec tout le monde. Celui de dire en un tweet que je me trouvais au Starbucks de la rue des Archives et de voir dans la minute qui suit y débarquer des gens que j’adorais.

Il serait inconcevable pour moi aujourd’hui de refaire la même chose.

Je suis sur Facebook et Twitter depuis 2007. TumblR depuis 2009. Et Instagram depuis 2011.

C’était cool. On était peu. Les interactions étaient différentes. On partageait pour partager. Non pour exister. Il y avait un côté Petite Communauté.

Chaque plateforme avait, à sa création, sa spécificité stricte. Les status sur Facebook, les 140 caractères maxi (et sans likes) de Twitter, les images et le fan service sur TumblR et les photos perso sur Instagram – très souvent des photos de bouffe.

On parlait alors de microblogging.

Puis de micro, les réseaux sociaux sont devenus envahissants. Transformés. C’était la course à qui attirerait le plus de nouvelles personnes avec des fonctionnalités dont on avait pas besoin. Et à qui réussirait à noyer les nouveaux arrivants dans un océan d’égos hurlant pour exister.

Les plateformes allaient continuer à muter jusqu’à ne plus rien à voir avec ce qu’elles étaient à l’origine.

Aujourd’hui, on peut acheter sur Facebook. Poster des stories sur Twitter. Créer sa boutique sur Instagram. Et se faire virer de TumblR pour du porno.

Dans le même temps, on est soumis aux effets secondaires. Les histoires à répétitions. La violence. Les m’as-tu-vu. Les trolls. Les plagiaires. Les mauvaises personnes. Les usurpateurs. Les pubs. La censure. Le commerce…

Nous n’étions pas tous armés à déceler le vrai du faux, le pathologique dans la mise en avant, le vide dans l’abondance. Certains espèrent encore voir dans leur écran un reflet du réel, du vrai.

Mais il n’y a plus réellement d’authentique.

Et peu à peu. Par période. De plus en plus de personnes ont eu besoin de se déconnecter. Quelques jours, parfois quelques mois. Certaines ne revenant même plus.

Dans notre recherche de réalité. On s’est rendu compte que le vrai luxe était d’être hors-ligne. De ranger son téléphone quand on était à table. De profiter du moment présent. Des gens présents.

Je serai toujours nostalgique de ce que les réseaux étaient avant. Mais aujourd’hui, comme pour le Travail, j’y fais valoir mon droit à la déconnexion. Je n’y vois plus de magie. Ce sont des simples outils. Et je n’y suis personne.

Nous sommes alors arrivés aux Roseaux Soucieux.

Le Garçon aux Pieds Nus, Mélancolie Apocalypse

M11 – c’est épouvantable d’être celui qui se souvient.

J’en parle assez souvent. Je souffre d’hypermnésie.

Je l’ai longtemps perçue comme un don. Mon petit plus. Mon petit pouvoir magique. Qui me permettait de me souvenir à l’infini de détails précis mais aussi parfois quelconques.

Le plus souvent des souvenirs personnels. Des odeurs. Des couleurs. Des dates. Des paroles. Des gestes. Des sensations. Des moments-clés. Des plus embarrassants. Des anodins. Des dérisoires.

Des éléments que tout le monde aurait oublié sauf moi.

Parce que je ne le peux pas. Parce que je n’ai pas la possibilité de sélectionner ce que je souhaiterais « sauvegarder ». Une sorte d’habilité incontrôlée.

C’est épouvantable d’être celui qui se souvient.

On est coincé dans le passé. Perdu dans ses souvenirs. Les pages ne sont jamais tournées. Elles subsistent. Pas un seul jour ne passe sans que l’on ait en mémoire un événement, un lieu, une personne. On est toujours en train de compiler des données révolues.

Compiler. Emmagasiner. Collecter. Sans cesse. Et chaque fois qu’un souvenir ressort. Très souvent de façon inopportune. Le ré-analyser encore et encore.

Et quand cela arrive, je suis persuadé que les gens voient sur ma figure la même roue arc-en-ciel qui apparaît sur l’écran de mon Mac quand il rame.

Et c’est souvent tellement absurde. Et ça bouffe de la place pour rien. Et ça fait mal à la tête.

Ce n’est pas juste d’être celui qui se souvient quand l’Autre peut oublier. Je peux revoir chaque rupture. Mais eux, se souviennent-ils seulement de mon visage, de m’avoir connu ?

C’est la raison pour laquelle je dis que souffre d’Hypermnésie et non que j’en suis doté.

Mais j’ai appris à vivre avec. Et paradoxalement, je serais effrayé à l’idée d’en être dépourvu. C’est à Moi. C’est Moi.

Lorsque je regarde mon Père perdre ses souvenirs les plus précieux chaque jour. Je redoute le jour où je perdrai les miens moi aussi. Et si jamais je devais à mon tour être atteint d’Alzheimer, est-ce que ce serait encore plus grave chez moi qui suis hypermnésique ? Est-ce que je les perdrais plus rapidement ?

Bloguer devait me permettre de me libérer un peu l’esprit en évacuant mes souvenirs et en les mettant en forme pour que je puisse les classer et les archiver. Mais avec le temps, je crois que bloguer m’a avant tout permis de les mettre en sécurité. Pour les jours où je n’y aurai plus accès.

C’est effrayant d’être celui qui se souvient. On a accès à un musée rempli de souvenirs qu’on est maintenant le seul à posséder. Pour se remémorer sans cesse des personnes qui nous ont, elles, potentiellement oublié.

Psithurisme Nostalgique

M10 – Mon poids idéal, c’est ton corps sur le mien.

J’ai toujours aimé ça. Sentir le poids d’un garçon sur moi.

J’avais déjà expliqué ici, que plus jeune, je fantasmais sur un oncle lointain. Et que la simple idée qu’il s’allonge sur moi m’excitait énormément.

Et effectivement. Mon poids idéal, c’est ton corps sur le mien. Et le plus lourd, le meilleur.

Parfois, j’ai juste envie de lui demander. Allonge-toi simplement sur moi. Rien que cela.

Mais il connait le piège maintenant…

Kévin Bacon, Les Garçons, Psithurisme Nostalgique

M09 – Peut-on s’enlacer et voir qui bandera en premier ?

Dans les faits, c’est un jeu qui peut être amusant. On s’enlace et on voit qui réagit en premier. Cela pourrait même remplacer le jeu de la bouteille qui tourne. Ou celui dans lequel on doit s’enfermer à deux dans un placard pendant que d’autres chronomètrent.

Mais en réalité, c’est un cauchemar pour moi.

Je fais partie des garçons à l’érection facile. Ce qui pourrait être vu comme quelque chose de positif, m’a cependant conduit, moi, à complexer et à redouter toute interaction avec un garçon qui n’est pas mon petit copain.

J’ai toujours été comme ça. Une machine à érection. Ma vie est faite de moments quelconques – comprendre simples accolades amicales, où j’ai enlacé des garçons et réagi. Alors qu’eux, non. Et cela m’a très tôt amené à considérer que c’était anormal et gênant. A éviter, donc.

C’est pourquoi, alors qu’il y a encore quelques années j’étais du style très câlin, j’ai fini par limiter mes interactions physiques rapprochées à Kévin Bacon et je suis devenu une pierre avec les autres garçons. Repoussant autant que possible toute proximité.

Quand bien même il s’agissait d’une réaction naturelle, d’un réflexe mécanique ou d’un manque de concentration, je ne pouvais plus laisser mon corps me trahir.

Comme pour mes émotions que je tente de toujours maîtriser, le control freak que je suis a décidé que je ne devais plus jamais me faire avoir par mon corps.

Notamment quand certains garçons jouent au jeu du Enlaçons-nous pour voir qui bandera en premier sans te prévenir. Tu penses innocemment que le garçon n’y a pas prêté attention ou qu’il ne s’est pas imaginé des trucs.

Jusqu’au détour d’une conversation ou d’un message, où il te le rappelle quelques fois longtemps après. Et tu comprends que tu t’étais fait avoir.

L’un d’entre eux m’avait d’ailleurs carrément envoyé ce meme avec comme message « tu te rappelles ? ».

Et je me demande du coup qui est le plus vicieux des deux. Celui qui ne contrôle pas son érection ou celui qui avait une idée derrière la tête.

Je n’ai jamais joué à ce jeu.

Mais je me souviens néanmoins qu’une fois c’était arrivé à quelqu’un d’autre qu’à moi. Un ami encore plus control freak.

Juste après ma dernière rupture. Il m’avait proposé de dormir chez lui. Alors qu’il était dans mon dos, à me consoler, j’avais pu le sentir. Gêné, Il s’était rapidement excusé.

Mais, moi. J’étais tellement content.

C’était la première fois que cela arrivait à quelqu’un d’autre qu’à moi depuis ce moment. (petits amis exclus) Et ça m’avait rassuré.

Je n’étais pas le seul.

Les Garçons, Mélancolie Apocalypse

M08 – Cela fait mal, jusqu’à ce que cela s’arrête.

S’il n’y avait qu’un conseil. Qu’une formule magique à retenir. Pour se remettre d’une rupture. Je dirais que c’est bien celle-ci.

Cela fait mal jusqu’à ce que cela s’arrête (de faire mal).

Mais comme pour tout. C’est malheureusement l’expérience qui permet de l’apprendre. Au préalable, il faudra donc bien morfler une ou deux fois. Voire plus.

Comme j’ai appris à enfouir mes émotions au fin fond de mon corps, mon coeur brisé à moi me faisait mal… à l’estomac. Et j’ai fini par l’appeler Ulrich. Il avait été jusqu’à me faire perdre 8 kilos en pratiquement deux semaines juste après Jolies Lèvres, tout en m’obligeant à manger sans cesse pour ne pas avoir mal.

J’ai compris plus tard que moi je ne développais pas un Coeur brisé mais un Ulcère.

Un jour. Tout en me jetant sur un carré de kiri pour faire taire Ulrich – le kiri ça soigne tout. Je me suis dit qu’il fallait que j’accepte la situation. Je m’étais fait larguer. C’était normal d’avoir mal.

Et, à partir de ce moment-là, dès que je sentais monter la tristesse, je disais haut et fort « J’accepte ! ».

C’est devenu ma formule. J’accepte.

J’ai alors commencé à la prêcher ça et là. Mais j’oubliais une chose. On aime avoir mal. Gratter sa croute. Se lamenter. Et par moments, avoir des comportements borderline.

Et à chaque fois, on m’a répondu la même chose. « J’ai besoin de bien me ramasser pour aller mieux » ou « non mais moi je dois toujours passer par une spirale d’auto-destruction pour me remettre ».

Alors je me suis dit qu’il était peut-être inévitable de souffrir. Et je me suis demandé.

Après une rupture, doit-on souffrir autant que l’on a été heureux pour rééquilibrer la balance cosmique de l’Amour ? Et sur la grande horloge du coeur en miettes, un jour de bonheur avec Lui deviendra combien de jours de tristesse après Lui ?

Y a-t-il seulement un timing universel… Je ne le pense pas. Cela fait mal jusqu’à ce que cela s’arrête. C’est certainement le parfait mantra.

Une véritable leçon de vie.
Faîtes passer le message.

Psithurisme Nostalgique

M07 – Rien à se mettre.

Une armoire pleine à craquer. Des tiroirs qui débordent. Une penderie qui s’écroule sous le poids des manteaux. Des fringues partout dans l’appart. Plein de couleurs. De coupes différentes. De styles différents.

Mais. Rien à se mettre.

Un jour, j’ai ouvert le placard de C. Il y avait 4 chemises. Deux pantalons. Deux paires de chaussures. Deux pulls. Le tout dans des couleurs neutres. Du blanc. Du noir. Du gris. Du bleu marine. Et du marron.

J’avais été choqué. Un placard de tueur en série.

Mais il était toujours beau et élégant. Sans faux pas. En musique, on aurait dit qu’il était juste. Et, qu’à l’inverse. Moi. Je pourrais « chanter » faux.

Des fois. J’ai cette envie. Celle d’attraper toutes mes affaires et de les soumettre à la méthode de Marie Kondo. Pour ne garder que celles qui provoquent une étincelle dans mon coeur.

Mais je sais depuis cette erreur que je ne dois surtout pas me laisser aller à une impulsion.

2020 a été une sacrée alliée en ce qui concerne ma frénésie de vêtements. Confiné, je n’avais aucun besoin ni envie de nouvelles choses – j’ai passé trois mois en sous-vêtements entre mars et juin puis à nouveau depuis fin septembre.

Egalement. Le fait que toutes les marques auxquelles j’étais habitué se trouvent sur la liste de celles qui exploitent les Ouighours. Un cas de conscience personnel sur l’impact de la Fast-Fashion sur l’écologie. Et une remise en cause naissante de ce besoin de « posséder ».

Tout cela m’a permis de freiner ma course au « j’achète ».

Il m’arrive encore de me faire plaisir mais c’est moindre qu’avant.

Je sais que le « Rien à se mettre » vient de l’amalgame très profond chez moi de deux facteurs aggravants. Le caractère « cigale » hérité de mon père qui s’achetait des vinyles en sortant du travail, et mon besoin lamentable d’être bien habillé pour compenser le fait que je me trouve quelconque.

Et l’on peut, je crois, également remercier Fran Fine qui n’a jamais mis deux fois la même tenue en six saisons.