Le Prince qui court dans la Nuit

Journal de Bord Éternel, Le Garçon aux Pieds Nus

09·10·2022

Le weekend calories se poursuit. Tout comme l’Été Indien.

Ma meilleure amie part vivre dans le sud. Et sa Bucket-List est pleine d’endroits à faire à Paris. Et notamment des restos. La facilité quand on habite une ville c’est d’en rester à nos habitudes, nos routines. Lorsque l’on a trouvé un endroit dans lequel on se sent bien, on a tendance à y revenir sans cesse sans chercher d’alternative meilleure.

Des pizzerias, on en testait pas réellement de nouvelles. Tout au plus on se promettait d’en essayer un jour prochain sans réellement le faire. Alors Kévin Bacon a pris les devants et réservé chez Pizzeria Popolare, devant laquelle je passe toujours lors de mes balades dans Paris.

Un repas à un million de calories. Une pizza à la pâte soufflée très bonne et un dessert énorme. Impossible pour moi de remanger le soir venu.

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On m’a demandé récemment si ce n’était pas trop dur de voir déménager mes ami.e.s. Et il est vrai que pratiquement l’essentiel de mon cercle proche a maintenant quitté Paris pour la province.

Comme je n’ai pas de réaction particulière, les gens sont étonnés et se sentent obligés d’appuyer d’un « parce que vous êtes super proches quand même » pour me tirer ne serait-ce qu’une micro émotion. En vain.

Je ne vois pas cette situation de façon triste. Mes ami.e.s partent pour quelque chose de bien. Une vie plus agréable, la recherche d’un renouveau. Pourquoi serais-je triste ?

Je suis là, chez Prêt à Manger, à repenser à cette question. Et je ne comprends pas bien ce que l’on attend de moi. Comment suis-je censé réagir ?

Je me demande parfois si je ne ferais pas mieux de prétendre. Comme me l’avais demandé ma responsable il y a quelques années. « S’il te plait, fais semblant. Ça rassurerait tes collègues. »

Le Garçon aux Pieds Nus

02·10·2022

Je me suis réveillé comme toujours après un rêve marquant. Me repassant et analysant les bribes dont je me souvenais. Mon père était en vie et vieux. Et je me suis assis un instant, pensant qu’il était inévitable qu’il meure. Et tout est sorti. Un flot de larmes. Je pleurais sans m’arrêter.

Une seconde voix commentait ce qu’il se passait et disait que j’avais enfin réussi à tout lâcher. Et que c’était bien et soulageant.

J’ai alors ouvert les yeux tranquillement. Dans la réalité. Celle dans laquelle mon Père est décédé en Mars dernier. Et dans laquelle je n’ai toujours pas réussi à pleurer.

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Expédition garde-meuble pour y récupérer le matelas de Kévin Bacon. Bien plus confortable que le mien. Mon dos me dira merci. Je me lève chaque matin depuis plusieurs mois littéralement plié en deux attendant que mon corps se réchauffe pour ne plus avoir mal. La vieillesse…

Mon frère m’a demandé, pour une formation qu’il avait au travail, de quel animal je me sentais le plus proche et lequel je rêvais d’être si je le pouvais. Lorsque j’ai vu son texto, j’ai tout de suite eu l’image d’une Baleine en tête – notamment ce gif.

Ma réponse l’a surpris. Il me voyait plutôt citer le chat – certainement le côté casanier, ou le renard – mon animal préféré.

Mais j’ai ajouté : un animal imposant qu’on laisse tranquille et qui a la liberté d’aller là où il veut.

Y a-t-il un animal plus serein que la Baleine ?

Cosmo-Musicologie, Multivers du Moi

Beur-Boy’s infinite playlist – part I.

On a tous une playlist de chansons et musiques qui nous sont chères. Qui résonnent en nous. Qui font bien plus que de nous faire battre le rythme ou fredonner.

Il y a des chansons que j’aime tellement. Tellement. Que je suis persuadé les avoir déjà entendues ailleurs. Car le lien est si fort que je me refuse à croire qu’il s’agisse juste d’une coïncidence.

J’ai une théorie un peu cosmique. Je pense que les chansons de ma playlist on se les partage avec mes autres moi·s. Et que, partout et dans chaque réalité, elles sont importantes pour Nous aussi.

Une sorte de multivers de goûts similaires. Et que, pour avoir le coup de foudre ici, il faut que tous·x·tes* nous ayons eu le même coup de foudre ailleurs.

Et ma question est : si tu ne devais emporter que dix chansons avec toi pour un voyage dans l’Espace, quelles seraient les élues ?

Et toi ? Quelles seraient les tiennes pour un voyage sans retour intersidéral ?

* oui je reste persuadé que je ne suis pas un garçon partout. Parfois même, pas une fille non plus.

Le Garçon aux Pieds Nus

Bonne Fête, Papa.

Cela fait maintenant trois mois que mon Père nous a quitté.

Et je trouve le Monde un peu plus triste sans Lui. C’était une belle personne. Il ne sortait jamais sans son béret. Se posait avec les petits vieux au parc. Rentrait à la maison avec le pain. Et prévoyait toujours une bouteille de coca les jours où je venais.

On avait le même groupe sanguin – mes frères ont celui de ma Mère. Je tiens de lui mon côté dans la lune. Mon amour des longues balades. Ma calvitie, bien évidemment. La forme de mes sourcils. Et cette politesse qui lui valait d’être apprécié et traité en prince partout.

Il était follement amoureux de ma Mère. Et c’est la seule dont il arrivait encore à se souvenir à la fin.

On discutait de Coming Out avec un ami du volley. Et je lui disais que je ne l’avais jamais fait à mon père. À ma Mère et mes frères, oui. Mais pas à Lui.

Je ne le regrette pas. Je ne le voyais pas comme nécessaire. Plusieurs générations nous séparaient mon Père et moi. Nous étions nés dans deux pays et deux cultures différentes à un peu plus de quarante années d’écart. Je n’avais pas peur de sa réaction. Je respectais simplement ce voile de pudeur appliqué à toutes les choses relevant de l’Intime.

Mon Père savait quelle personne j’étais. J’avais de la chance. Un garçon bien. Un bon fils. Et pour moi c’était suffisant.

Là où il est aujourd’hui, il doit maintenant comprendre quel était ce beau garçon aux yeux bleus qui venait souvent à la maison et qu’il avait coincé entre quatre yeux pour lui parler de longues minutes de l’Algérie.

C’est Kévin Bacon, Papa.

Je pense souvent à Lui. Comme quand, il y a quelques jours, j’ai vu ce superbe jeans bien déchiré en magasin. J’ai souri et l’ai reposé en me disant qu’il ne l’approuverait pas. Qu’il me dirait que c’est un peu honteux de mettre un jeans troué et qu’il me montrerait l’un des siens. Brut et simple. Comme Lui.

C’est comme cela. Il guidera mes choix encore un moment. Rappelons qu’il est le seul à avoir toujours validé ma façon de m’habiller très personnelle et à ne jamais avoir rien dit sur mes shorts très courts – objet de controverse par excellence à la maison.

Encore aujourd’hui, je dis que je vais « chez les/mes Parents ». Comme une façon de le faire vivre encore longtemps.

Parce qu’Il vivra encore longtemps.
Bonne fête, Papa.

Le Garçon aux Pieds Nus

Le Printemps s’est éteint.

C’était il y a deux semaines. Un appel de ma Mère à 4h45. Et un « oh non » avant même de décrocher.

Car je le savais. C’était l’appel que je redoutais. Que nous redoutions tous.

J’ai passé la journée suivante à tenter d’avoir un billet pour l’Algérie. Ma Mère y avait emmené mon Père il y a un mois. C’est le choix qu’il avait fait. Mourir et être enterré là-bas. Je n’ai malheureusement pu embarquer que le lendemain, manquant de ce fait l’enterrement. (Les enterrements musulmans se faisant de manière toujours très rapide.)

Mon Père nous a laissé, ma Mère, mes deux Frères et moi. Chacun gérant ses émotions à sa façon. Après ces dernières années à le voir partir avec Alzheimer. Cette maladie monstrueuse. Et fulgurante dans son cas. Ma Mère et mes Frères exprimant parfaitement ce qu’ils ressentent. Par la tristesse ou la colère. Ou même cette petite pointe de soulagement suite aux dernières semaines compliquées et à son état de santé général qui ne tenait plus à rien.

Et puis, il y a moi. Moi, comme toujours. Incapable d’avoir une réaction normale. Le Robot.

Il m’a fallu prévenir mes amis. Sans savoir quelle formule utiliser. Répondre aux personnes qui m’exprimaient leurs condoléances. Sans m’agacer devant celles qui pleuraient sa mort alors que je n’y arrive même pas.

Hier encore, une voisine de mes parents me disait qu’elle avait beaucoup pleuré en apprenant son décès. Et elle m’a laissé sur le pallier. Me demandant encore pourquoi je n’étais pas normal.

La première nuit en Algérie, alors que je m’assoupissais. J’ai senti quelqu’un me faire un baiser sur l’oeil droit. C’était léger et réconfortant. Je me suis aussitôt réveillé mais il n’y avait personne. Je dormais là où mon père s’était éteint la veille. Alors je n’avais aucun doute. C’était Lui.

Il n’avait pas plu depuis l’automne dernier dans notre région là-bas. Mais à sa mort, les averses sont revenues. Et pendant une semaine, la pluie et les accalmies se sont alternées. Alors qu’à Paris, c’était plein soleil.

Son prénom signifiait « Printemps » en arabe. Et c’est à quelques jours du Printemps, quelques heures après son anniversaire, que mon Père s’est finalement éteint.

Je l’aimais énormément.

Le Garçon aux Pieds Nus, Psithurisme Nostalgique

Restober #22 – Snooze.

Cher Journal du Garçon qui voulait juste ne rien faire du tout,

Oui certes, je me suis levé un peu tard. J’ai petit-déjeuné devant Rupaul – j’en vois le bout. Puis déjeuner en famille. Mes frères avaient apporté leurs ordis pour télétravailler depuis chez mes Parents.

Au programme. Blagues sur mes cheveux, photos avec mon neveu, et beaucoup de coca.
J’adore les vendredis.

Baille Bye.